Peu se douteraient de l'ennui que peut parfois devenir la vie d'une courtisane. Un quotidien plutôt répétitif, à peine ponctué par quelques rencontres surprenantes, avait vite mis fin à la patience d'Elanor. La jeune femme était autrefois habituée à une vie quelque peu plus trépidante, qui au moins lui permettait d'échapper de temps en temps aux convenances. Mais Gynécée n'était rien d'autre qu'une prison dorée, exempte de la moindre porte de sortie, même temporelle.
L'ennui excusera donc le comportement de notre chère courtisane, de même que son tempérament parfois irréfléchi. Elle s'était prise d'une drôle de lubie, presque comparable à une folie. Une servante des plus banale était devenu le centre de sa curiosité, pour deux raisons : la première était la douceur de son physique fort agréable à l’œil. Il faut dire qu'elle avait des cheveux blonds comme le soleil d'hiver, qui dès qu'elle les avait aperçu avaient rappelé à Elanor d'autres traits bien plus chers, à présent si loin de sa portée. Sa rancœur nouvellement éveillée, la jeune femme avait cependant finit par s'habituer à voir cette crinière brillante traverser les couloirs et sa colère s'était lentement émoussée. La seconde raison était la curiosité naturelle d'Elanor, qui souvent l'avait mise dans les ennuis, et qui une fois encore la poussait à avoir un comportement déplacé.
La courtisane épiait la servante. Dès qu'elle l'apercevait, elle se mettait en devoir de la suivre aussi discrètement que possible, tâchant de satisfaire sa vilaine soif d'en savoir plus sur une servante plus timide et effacée qu'il ne devrait être autorisée de l'être. Elle s'était stupidement persuadée qu'un mystère se cachait derrière son attitude soumise, et qu'au fond d'elle se tapissaient d'obscures secrets qu'elle, la vaillante courtisane submergée par l'ennui, s'était mise en devoir de dévoiler.
Mais avant cela, elle avait plus important à faire. Comme tenter de récupérer une mèche de ces cheveux scandaleusement blond. Sa paire de ciseaux en fer forgé dans les mains - celle qu'elle avait volé à la couturière du palais -, elle s'approchait aussi doucement que possible de la servante qui pour l'instant était bien trop occupée pour percevoir sa présence. Les couloirs du harem étaient silencieux, certes, mais Elanor l'était plus encore.